Le come-back de Bac

 

«La plus grande gloire pour un vieillard est de se voir aimé pour lui-même. Il a ainsi passé avec succès son dernier examen.» Telle est la profession de foi de Ferdinand Bach, qui s’est plus attaché au cours de sa vie à tracer son chemin artistique original qu’à atteindre le succès de carrière ou la gloire académique. Artiste accompli, mais modeste, et donc fortement sous-évalué, sinon méconnu, il fut en son temps célèbre d’abord pour ses «bons mots», qui sont actuellement de plus en plus repris et diffusés sur des sites internet. Une certaine gloire posthume semble vouloir aujourd’hui le favoriser, depuis au moins trois événéments récents: l’ouvrage biographique que lui a consacré en 2002 Ghislain de Diesbach, la publication en 2000 aux éditions Claire Paulhan de l’année 1919 de son journal, et une exposition de ses œuvres autour de l'art du jardin, organisée à Lausanne en 2004.

Autrichien de parents allemands, naturalisé Français et fils d’un enfant adultérin de Jérôme Bonaparte, roi de Westphalie, il est né à Stuttgart en 1859 et mort à Paris en 1952.

Dessinateur et affichiste, Ferdinand Bach signera de ce nom ou de nombreux autres pseudonymes, comme «fBac», «Bach», «Saro» ou «Cab» voue sa vie à différentes activités artistiques. Il excelle d’abord dans le dessin humoristique, se plaçant parmi les maîtres de cette discipline. Il s’adonne ensuite à la rédaction d’ouvrages, devenus forts recherchés, sur la vieille Europe : il y retranscrit sous forme d’intrigues le climat historique et politique des villes où il a voyagé. Finalement, il se consacrera à l’art des jardins et renouvellera le genre. Au fil de ce qu’il nommait ses «commandes gratuites» (que lui passaient des amis), il modifiera ou créera de nombreux domaines, dont le dernier restant (et désormais classé), n’est autre que le domaine des Corbières à Menton. De ces activités, découlera “Odysseus”, un album de soixante-cinq illustrations publiées par Louis Conard en 1923.

Ayant fait le portrait de grands artistes de son temps, tels Richard Wagner, Arsène Houssaye, Victor Hugo ou  encore Théodore de Banville, il débute en 1880 à la Caricature et à la Vie parisienne, engagé à la première de ces deux publications par son directeur, le célèbre dessinateur Albert Robida. Ce dernier, sensible à son talent, le prend sous son aile et lui enseigne les ficelles du métier. C’est avec lui qu’il apprendra à faire des planches ou qu’il ira à l’imprimerie de la rue Réaumur pour calquer les dessins et les reporter sur la pierre. «Cette  contrainte m’ôtait tous mes moyens», avouera Bac. 

Bac est avant tout un esthète, ses femmes sont toujours belles. Pour faire rire, il se refuse à les enlaidir et à utiliser des procédés directs et faciles, telle la disgrâce physique poussée à l’extrême. Il choisit plutôt de créer une situation singulière ou de donner une expression comique à ses visages, pour formuler la caricature et provoquer l’amusement: un visage beau et régulier avec un air vide ou stupide, ou la perfection d’un physique dans un décor absurde. Gustave Kahn, dans la “Femme dans la caricature française” évoque cette manière, qu’a brillamment illustrée Bac, de mettre «la plastique en dehors de la caricature», et insistera sur le fait qu’il «ne cherchera jamais l’effet d’hilarité que dans un déshabillage plus poussé, mais jamais dans la déformation du corps.» (1907)

Bac est aussi un aventurier, un voyageur atypique, souvent à contre-courant, sans cesse curieux et féru de renouveau. Il se diversifiera dans sa vie et se dispersera dans ses affinités artistiques, de telle manière que sa notoriété n’aura pas le temps d’atteindre le niveau mérité et de signaler ce talent à sa juste valeur. C’est néanmoins sans amertume que Ferdinand Bach déclarera dans les vingt dernières années de sa vie, dans une lettre à Madame Ladan-Bokairy, alors qu’une salle  à son nom est sur le point d’être inaugurée: «On me découvrira dans cinquante ans. Je me suis tué moi-même, le cœur léger, en changeant cinq fois ma manière d’expression professionnelle. Alors, j’ai égaré volontairement le public. Je n’ai pas les honneurs officiels, ni l’argent, mais je suis un homme libre. À chacun sa manière!» (cité par G. de Diesbach dans “Un prince 1900”).

Suzanne Ably

(www.dictionnaire-des-illustrateurs.com)

 

 

Albums:

À la Monaco (sd)

Les Alcôves (1895)

Les Amants (1898)

L’Amour (sd)

L’Amour contemporain (sd)

Belles de nuit (1900)

La Comédie féminine (1899)

La Courtisane (1902)

Des images (1901)

Élégances parisiennes (1893)

Les Enfants au XVIIIe siècle (sd)

Fantaisies féminines (sd)

Femmes de théâtre (1896)

Femmes honnêtes! (1885)

La Femme intime (1894)

Les Fêtes galantes (1894)

Les Grands Jours (1919)

Les Maîtresses (1897)

Modèles et Artistes (1897)

Nos amoureuses (1896)

Nos femmes (1895)

Nos petits aïeux (1893)

Le Paradis terrestre (1903)

La Parisienne à travers les âges (sd)

Pessima (1896)

Petites folies (1903)

Quelques tranches de vie

Le Triomphe de la Femme (1894)

 

Presse:

La Caricature

Figaro illustré

Frou-Frou

Gil Blas illustré

L’Indiscret

Journal amusant

Rire

Sourire

Vie parisienne

 

 

 

Monographies:

«Bac», Félix Juven, 1907, (Les Maîtres humoristes)

Diesbach, Ghislain de «Un Prince 1900: Ferdinand Bac», Perrin, 2002

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