Surtout
connu dès 1918 pour ses affiches de cinéma et de théâtre (la plus célèbre étant
"Knock" de Jules Romains), Bernard Becan (pseudonyme
de Bernard Kahn, 8 mars 1890, Paris – 1943 Paris; ou, d’après le Dico
Solo : 1890, Stockholm, Suède –
1942 Paris) confirma ses qualités de caricaturiste en collaborant à plusieurs
journaux satiriques de l’entre-deux-guerres (le Dico Solo donne toute la
liste). Il illustra de 5 lithographies hors texte Charleston U.S.A. de
Paul Morand, édité par la Lampe d’Aladin en 1928 à Liège, d’une gravure au burin
Le Triplace de Joseph Kessel. Il a exposé aux Salons des Humoristes, des
Indépendants et aux Tuileries.
"Becan est avant tout un croquiste,
écrit Louis Chéronnet dans
Francis
Carco – pour qui Becan a illustré avec un burin, un
dessin au crayon et 25 aquarelles
Images cachées (Albin Michel, 1929) – le décrit dans Les
Humoristes: "Les dessins qu’il publie à L’Œuvre, à Bonsoir,
après ceux que Le Carnet de la Semaine a répandus dans un public très parisien, ont fait
pour la réputation de M. Becan plus que deux ans
d’étude à l’École des Beaux-Arts et qu’un séjour, peu prolongé du reste, à
l’atelier Verdier. […] Son crayon, qu’il emploie d’une main sûre à fouiller le
caractère et les traits d’un visage, a du mordant, de la force, une agréable
vivacité et ce tour net et prompt où nous reconnaissons tout de suite la
signature." Becan, lui-même, dans un article Le
dessinateur du spectacle publié dans A.B.C. (magazine d’un cours par
correspondance, dirigé par l’illustrateur Louis Bailly et où on peut trouver des
couvertures de Lorioux et des articles d’illustrateurs
comme Henry Gazan et une rubrique littéraire par
George Auriol, illustrateur et typographe) a écrit en septembre 1938 : "Quant à
être méchant, dans la caricature de théâtre, comme certains cherchent à l’être,
je n’en vois vraiment pas le but, alors que dans la caricature politique, cela
se comprend très bien. Il vaut beaucoup mieux chercher à atteindre une vérité
psychologique plutôt que de compter les rides. (…) En général, pour les
journaux, il faut que les dessins soient exécutés au trait, à l’encre de Chine,
le clichage en étant moins onéreux et résistant mieux au “rude baiser des
rotatives”, comme disait Forain."
Outre
cet article, Becan a écrit et illustré pour la même
revue L’offensive des nouilles en août 1934, qui commence ainsi :
"Les artistes sont réactionnaires, je veux dire qu’ils réagissent toujours
contre la tendance de leurs aînés", et qui finit par : "La vérité, c’est qu’à
toutes les grandes époques d’art, aussi bien au temps de Périclès qu’au XIIIe,
l’équilibre entre les courbes et les droites, entre les surfaces planes et les
surfaces arrondies, était soigneusement assuré et que l’excès de l’un ou l’autre
de ces partis, droit ou courbe, engendre des impressions de raideur, de sécheresse ou de mollesse,
et crée non pas des styles, mais des modes. Et surtout, ce ne sont pas les
techniques de fabrication qui doivent commander les formes, mais l’esthétique
qui doit les gouverner et les adapter aux nouvelles méthodes de fabrication qui,
toutes, peuvent donner des résultats intéressants si elles sont bien dirigées.
“Au commencement était le Verbe”,disent les écritures.
Possible, mais il est probable que le Grand Maître avait dessiné des plans
d’abord!"
Yvon
Bizardel, directeur des Beaux-Arts de la Ville de
Paris, a raconté la triste fin de Becan dans son livre
Sous l’Occupation : "Pauvre Becan, dont l’art
consistait à égayer les autres ! Jusqu’à l’Occupation, nul ne s’était jamais
avisé de son origine juive et rien au monde ne le menaçait. Une fois Paris sous
la botte, il se mit à redouter tellement la Gestapo qu’il n’osa plus se risquer
au-dehors et demeura enfermé chez lui. Il ne dormait plus. Le hasard ayant voulu
que son logement ouvrît sur le toit d’un immeuble voisin, le malheureux se
tenait toujours prêt à gagner ce toit et à se jeter dans le vide, à la moindre
alerte. Par crainte de surprise, il guettait auprès d’une fenêtre toujours
ouverte, par laquelle pénétraient l’air et l’humidité du dehors. Ainsi cet
humoriste était mort de froid, sa fin n’avait même pas été tragique, mais
seulement misérable."