Bernard Becan

 

Surtout connu dès 1918 pour ses affiches de cinéma et de théâtre (la plus célèbre étant "Knock" de Jules Romains), Bernard Becan (pseudonyme de Bernard Kahn, 8 mars 1890, Paris – 1943 Paris; ou, d’après le Dico Solo : 1890, Stockholm, Suède  – 1942 Paris) confirma ses qualités de caricaturiste en collaborant à plusieurs journaux satiriques de l’entre-deux-guerres (le Dico Solo donne toute la liste). Il illustra de 5 lithographies hors texte Charleston U.S.A. de Paul Morand, édité par la Lampe d’Aladin en 1928 à Liège, d’une gravure au burin Le Triplace de Joseph Kessel. Il a exposé aux Salons des Humoristes, des Indépendants et aux Tuileries.

"Becan est avant tout un croquiste, écrit Louis Chéronnet dans la revue L’Art vivant en 1927. Il semble qu’il ne veuille point perdre une minute, et il parvient dans le minimum de temps, avec le minimum de lignes, à produire le maximum d’effet. Et sa manière précise sans sécheresse, synthétique et sans mollesse, ses hachures solides, brèves, sans inutilité, lui permettent merveilleusement les notations en quelques traits, l’esquisse d’un mouvement fugitif mais expressif, et d’indiquer une attitude ou de suggérer un caractère significatif." La même année, Robert Burnand écrit dans Art et Industrie : "Il faut donner une mention particulière aux couvertures composées par Becan. Son esprit, où se mêlent curieusement l’analyse et la synthèse, s’y donne libre cours. Le livre est haché, disséqué, réduit à ses éléments essentiels qui, tous, par un trait, par une silhouette, par une touche de couleur, un rappel toujours significatif, se juxtaposent en un ensemble papillotant et cependant harmonieux. Il n’est presque plus besoin de lire le livre, tant la couverture le résume parfaitement. C’est du meilleur simultanéisme."

Francis Carco – pour qui Becan a illustré avec un burin, un dessin au  crayon et 25 aquarelles Images cachées (Albin Michel, 1929) – le décrit dans Les Humoristes: "Les dessins qu’il publie à L’Œuvre, à Bonsoir, après ceux que Le Carnet de la Semaine a répandus  dans un public très parisien, ont fait pour la réputation de M. Becan plus que deux ans d’étude à l’École des Beaux-Arts et qu’un séjour, peu prolongé du reste, à l’atelier Verdier. […] Son crayon, qu’il emploie d’une main sûre à fouiller le caractère et les traits d’un visage, a du mordant, de la force, une agréable vivacité et ce tour net et prompt où nous reconnaissons tout de suite la signature." Becan, lui-même, dans un article Le dessinateur du spectacle publié dans A.B.C. (magazine d’un cours par correspondance, dirigé par l’illustrateur Louis Bailly et où on peut trouver des couvertures de Lorioux et des articles d’illustrateurs comme Henry Gazan et une rubrique littéraire par George Auriol, illustrateur et typographe) a écrit en septembre 1938 : "Quant à être méchant, dans la caricature de théâtre, comme certains cherchent à l’être, je n’en vois vraiment pas le but, alors que dans la caricature politique, cela se comprend très bien. Il vaut beaucoup mieux chercher à atteindre une vérité psychologique plutôt que de compter les rides. (…) En général, pour les journaux, il faut que les dessins soient exécutés au trait, à l’encre de Chine, le clichage en étant moins onéreux et résistant mieux au “rude baiser des rotatives”, comme disait Forain."

Outre cet article, Becan a écrit et illustré pour la même revue L’offensive des nouilles en août 1934, qui commence ainsi : "Les artistes sont réactionnaires, je veux dire qu’ils réagissent toujours contre la tendance de leurs aînés", et qui finit par : "La vérité, c’est qu’à toutes les grandes époques d’art, aussi bien au temps de Périclès qu’au XIIIe, l’équilibre entre les courbes et les droites, entre les surfaces planes et les surfaces arrondies, était soigneusement assuré et que l’excès de l’un ou l’autre de ces partis, droit ou courbe, engendre des impressions de  raideur, de sécheresse ou de mollesse, et crée non pas des styles, mais des modes. Et surtout, ce ne sont pas les techniques de fabrication qui doivent commander les formes, mais l’esthétique qui doit les gouverner et les adapter aux nouvelles méthodes de fabrication qui, toutes, peuvent donner des résultats intéressants si elles sont bien dirigées. “Au commencement était le Verbe”,disent les écritures. Possible, mais il est probable que le Grand Maître avait dessiné des plans d’abord!"

Yvon Bizardel, directeur des Beaux-Arts de la Ville de Paris, a raconté la triste fin de Becan dans son livre Sous l’Occupation : "Pauvre Becan, dont l’art consistait à égayer les autres ! Jusqu’à l’Occupation, nul ne s’était jamais avisé de son origine juive et rien au monde ne le menaçait. Une fois Paris sous la botte, il se mit à redouter tellement la Gestapo qu’il n’osa plus se risquer au-dehors et demeura enfermé chez lui. Il ne dormait plus. Le hasard ayant voulu que son logement ouvrît sur le toit d’un immeuble voisin, le malheureux se tenait toujours prêt à gagner ce toit et à se jeter dans le vide, à la moindre alerte. Par crainte de surprise, il guettait auprès d’une fenêtre toujours ouverte, par laquelle pénétraient l’air et l’humidité du dehors. Ainsi cet humoriste était mort de froid, sa fin n’avait même pas été tragique, mais seulement misérable."

 

Marcus Osterwalder (www.dictionnaire-des-illustrateurs.com)

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